Limites physiques

Les portes logiques qu’on utilisera en pratique sont des dispositifs électroniques dont le fonctionnement correspond, dans les grandes lignes, aux comportements idéalisés des modèles abstraits de l’algèbre de Boole. Mais il faut toujours garder à l’esprit que la correspondance entre modèle et réalité physique n’est jamais parfaite. En raffinant nos modèles pour y incorporer des caractéristiques, limites ou contraintes appropriées, il sera possible de mieux tenir compte de la réalité physique.

Sortance ( Fan-out)

La sortance (fan-out) d’une porte logique mesure sa capacité à commander d’autres portes reliées à sa sortie. Puisque les portes sont des dispositifs électroniques qui doivent faire circuler un certain courant électrique pour concrétiser les niveaux de tensions qui définissent leurs valeurs d’entrée et de sortie, il y a une limite pratique à la capacité d’une porte de fournir le courant nécessaire pour faire réagir la sortie des portes qu’elle devrait commander. La sortance mesure cette limite, en nombre de portes à commander. Si on connecte plus d’entrées à une sortie que sa valeur de sortance, cette sortie ne pourra pas atteindre le niveau de tension adéquat, et les opérations logiques seront faussées.

Modèles de délai

Dans la mesure où on respecte ses contraintes d’utilisation, notamment de sortance, une porte logique se comporte globalement de la façon attendue, étant donné sa fonction et les conventions de niveaux de signal établies. Par exemple, le niveau signal à la sortie d’un inverseur correspondra au niveau de signal attendu pour le complément de la valeur logique à son entrée. Mais il faut garder à l’esprit que les portes sont des dispositifs électroniques, et donc physiques, sujets à des «imperfections» qui diffèrent du comportement idéalisé.

Une de ces «imperfections» dont on doit impérativement tenir compte est le délai de propagation qui se manifeste comme un retard entre le moment où le signal à l’entrée de la porte assume (se stabilise à) son niveau de signal et le moment où la sortie de la porte atteint son niveau de signal attendu. C’est en quelque sorte le délai entre une action à l’entrée et son effet sur la sortie. Ce délai limite la vitesse à laquelle on peut utiliser notre circuit logique. Si on essaie d’effectuer des transitions plus rapides que le délai, le comportement ne sera plus conforme aux attentes de conception. On doit donc respecter une vitesse de commutation maximale imposée par les délais de propagation.

Le délai de propagation peut dépendre de plusieurs facteurs: la famille logique, le type de porte, le sens de la transition, la sortance effective, les caractéristiques d’interconnexions, etc. Pour faciliter l’analyse, on fait appel à des modèles de délais plus ou moins sophistiqués. Un modèle très simple consiste à supposer un délai de propagation moyen, constant pour toutes les portes d’une famille donnée. Un modèle un peu plus subtil pourrait prendre en compte des délais de propagation moyens différents par types de portes. Le délai de propagation moyen est une caractéristique clé qui différencie les différentes familles logiques. Les délais sont typiquement de l’ordre de nanosecondes, permettant des vitesses de commutation dans les dizaines, centaines, voire des milliers de MHz.

Lorsqu’un signal doit se propager à travers plusieurs portes, les délais de propagation s’accumulent, limitant encore davantage la vitesse de commutation de l’ensemble du circuit. La vitesse qui pourra être atteinte pour l’ensemble d’un circuit sera typiquement déterminée par le plus lent chemin (c’est-à-dire celui qui cumule le plus long temps de propagation).

Modèles simples

À titre d’exemple, considérons une porte ET à deux entrées \(S = A B\). Le modèle le plus simple suppose une porte idéale, sans aucun délai: le chronogramme suivant montre la sortie qui commute immédiatement lorsque les conditions d’entrée changent.

Porte ET sans délai. Porte ET sans délai

Modèle avec délai en sortie

Le modèle avec délai en sortie consiste à considérer un délai fixe, qui affecte la sortie de la porte: la commutation prend effet en sortie après un délai \(t_p\).

Porte ET avec délai en sortie. Porte ET avec délai en sortie

Modèle avec délai en entrée

Le modèle avec délai en entrée est plus nuancé, car il permet de spécifier un délai différent selon l’entrée qui entraîne le changement à la sortie.

Porte ET avec délai aux entrées. Porte ET avec délai aux entrées

Modèle combiné

Le modèle combiné consiste à considérer des délais différents par entrée et, en plus, un délai global en sortie.

Condition de course et aléas

Un autre effet néfaste potentiel des délais à considérer est ce qu’on appelle une condition de course. Considérons le circuit de la figure suivante. La sortie de la porte est \(s = a \cdot a^\prime\) qui devrait normalement donner systématiquement 0. Mais le chemin menant de l’entrée \(a\) à l’entrée du haut de la porte ET est plus court (en termes de délais) que le chemin qui mène à l’entrée du bas. En effet, le signal \(a^\prime\) est retardé d’un délai de propagation \(t_{p1}\) par rapport à \(a\).

Cas à risque de condition de course. Cas à risque de condition de course

En pratique, on pourrait observer un chronogramme qui s’apparente à celui de la figure suivante, où on voit que les deux signaux à l’entrée de la porte ET sont simultanément égaux à 1 pendant une courte période. Une courte impulsion 1 sera donc générée sur le signal \(s\) en sortie de la porte ET, après le délai de propagation \(t_{p2}\) de celle-ci. Cette impulsion, qui ne correspond à rien selon la logique du circuit est appelée un aléa (ou en anglais, glitch).

Chronogramme de la condition de course. Chronogramme de la condition de course

Ces aléas peuvent être la source de problèmes et de dysfonctionnements qui sont parfois difficiles à diagnostiquer, et il faut vraiment s’en méfier. Une telle impulsion, quasi imperceptible, pourrait par exemple déclencher le basculement de la valeur d’une cellule mémoire plus loin dans le circuit.

Porte tampon

La valeur binaire à la sortie d’une porte tampon est la même qu’à l’entrée. La porte n’agit pas sur la valeur logique mais permet de reconditionner le signal à son entrée pour le rendre, en sortie, davantage conforme aux niveaux électriques de référence. Une porte tampon est essentiellement utilisée pour renforcer et stabiliser le niveau du signal. Une façon pratique de réaliser une porte tampon est de placer deux inverseurs l’un à la suite de l’autre. L’utilisation de portes tampons est un des moyens de s’assurer de respecter les conditions de sortance.


Sous-module précédent: